Regard sur la profession infirmière…

« Le cœur de pierre de l’infirmière en soins palliatifs pédiatriques » par deux infirmières en soins palliatifs pédiatriques

 

Comment faites-vous pour travailler auprès des enfants qui vont mourir?…moi je ne pourrais pas, j’aime trop les enfants et je suis trop sensible!

(Phrase fréquemment entendue des infirmières en soins palliatifs pédiatriques)

Cherchons la clé de cette énigme.

Heureusement, la profession d’infirmière offre de nombreuses opportunités de carrière très variées. Un grand nombre d’hommes et femmes a choisi de devenir infirmier(ière) dans des domaines allant de la périnatalité, donc très tôt dans la conception de la vie jusqu’à la gériatrie. Nous côtoyons la fragilité de la vie dans toutes les sphères de la médecine mais peu d’endroits nous confrontent autant à la vulnérabilité qu’en pédiatrie. Ajoutez à cela un enfant atteint d’une maladie qu’on ne peut arrêter de progresser, donc que la médecine contemporaine ne guérira pas. Ou tentez d’imaginer un enfant qui requiert tant de soins complexes que sa fragilité lui fait frôler la mort de façon répétée. Les parents et soignants tentent constamment de tricher ce destin mais parfois en vain… mais la résilience des enfants est légendaire.

Gravite autour de cet enfant un ou des parents, perçus comme piliers de réconfort et de protection ayant réponse à tous les problèmes que la vie apporte. Parfois, on retrouve aussi des frères et sœurs qui doivent vieillir avant leur âge car on attend d’eux la compréhension, la patience et la générosité sans bornes… envers l’enfant malade et le reste de la famille. Difficile à accomplir lorsqu’on est enfant et que la terre semble tourner autour de soi et que toutes nos pensées influencent les actions autour de soi !?

S’ajoute à eux les grands-parents, oncles, tantes, cousins, amis ainsi que les soignants. Quand sont-ils considérés dans cette équation? Le rythme parfois affolé de la médecine d’aujourd’hui avec en particulier une pénurie d’infirmière représente une mauvaise combinaison afin de consacrer autant de temps souhaité aux enfants très malades. Que reste-t-il pour l’entourage? Par contre tous ceux et celles qui travaillent en pédiatrie savent très bien que lorsqu’on traite un enfant malade, on traite aussi toute la famille qui tente tant bien que mal de garder un équilibre précaire.

Alors nous les infirmières pédiatriques, nous sortons notre arsenal et nous transformons en jongleurs et tentons d’enseigner quelques trucs aux familles. Parfois nous donnons ou enseignons des soins. Parfois nous consolons, nous collaborons et échangeons. Surtout nous écoutons (ou du moins je l’espère et m’y efforce) et apprenons des leçons de vie de ces petits êtres parfois trop sages.

Ceci implique des interactions constantes avec les petits et grands patients et leurs familles. Voilà donc la clé de cette énigme. Parce qu’en pédiatrie palliative, nous traitons des enfants vulnérables et surtout vivants …et ce jusqu’à leur dernier souffle. Lorsqu’on a l’amour des enfants et de la profession, on ne peut que trouver meilleure motivation et énergie à les côtoyer. Ne sommes nous pas tous attirés à cette profession afin d’aider autrui dans ses épreuves aux prises avec la maladie? Qui de plus vulnérable qu’un enfant très malade? Je me dis constamment qu’à défaut de ne pas pouvoir sauver tous les enfants d’un décès imminent, je peux par contre toujours aider une famille dans ses épreuves.

Je trouve satisfaction dans la réalisation d’un petit coup de pouce aux familles éprouvées. Parfois les piliers vulnérables que sont les parents n’ont besoin que de réaliser qu’ils ont la capacité d’aider, d’accompagner leur enfant … avec un peu d’aide à leur côté. Nous ne sommes que des éclaireurs afin de les guider dans une noirceur qui parfois effraie.

Continuer pour mieux aider, partager les connaissances et faire profiter ceux qui suivent de nos expériences, telles sont des pensées nous permettant de continuellement retrouver cette motivation et de toujours souhaiter faire mieux auprès de ces enfants qui le méritent.

Alors un regard d’enfant, une confidence de parent ou une marque de reconnaissance de la part d’une collègue infirmière anime en nous, infirmière en soins palliatifs pédiatriques, une petite chaleur qui adoucit ce “cœur de pierre”. Comme un baume sur une plaie, ce cœur trouve la force d’aider encore un peu cette famille. La satisfaction du devoir accompli et le sentiment d’accomplissement professionnel nous donnent de la confiance, de l’expérience inestimable ainsi que la force de continuer de traiter ces enfants et adolescents qui nous semblent trichés par la vie qui sera trop courte.

 

Lysanne Daoust & Wahiba Mazouz