9ème Congrès du RFSPP – 21 & 22 octobre 2021 à Yaoundé

 


La Pr Angèle Pondy et le Pr Nago Humbert entourent la doyenne
de la Faculté de Médecine de Yaoundé, la Pr Jacqueline Ze Mikande.

Vu les incertitudes quant à l’avenir de la situation sanitaire provoquée par la pandémie du coronavirus, non seulement en Europe, mais également en Amérique du Nord et même si les populations de l’Afrique de l’Ouest, selon nos informations transmises par nos collègues du Sud, ont semble-t-il l’air moins affectées par la Covid 19, nous avons jugé plus sage, de déplacer les dates de notre congrès à l’automne 2021.

Le 9ème Congrès aura donc lieu les 21 et 22 octobre 2021 au Palais des congrès de Yaoundé. Réservez donc ces dates et inscrivez -vous, nous vous attendons.

Effets collatéraux du Covid-19 ou les oubliés de la crise

Dans cette période de pandémie, comme dans les catastrophes humanitaires et pendant la période de confinement, ce sont les personnes souffrant de maladies chroniques (diabète, maladies pulmonaires, hypertension, maladies psychiques, insuffisances rénales, situations de handicap …) ou oncologiques qui paient un lourd tribut, car elles deviennent les oubliés de l’événement, la communication des responsables politiques ou sanitaires relayée par les médias portant l’attention quasi exclusivement sur l’événement-catastrophe.
Or, malgré l’urgence sanitaire provoquée par cette épidémie et les moyens considérables mis en œuvre (avec raison) pour la combattre et la juguler, ces personnes continuaient de souffrir et de mourir avec plus de difficultés existentielles.

En effet, les messages des autorités et le quasi-confinement qu’elles subissaient, ont fait grimper leur angoisse. Le suivi de leur maladie, leur intervention chirurgicale remise aux calendes grecques, ainsi que la pensée qu’ils n’ont pas accès à des soins de qualités nécessités par leur pathologie, augmentent ces sentiments diffus de peur et d’anxiété.

Avec le report de certains examens diagnostiques, il se pourrait que nous vivions un effet rebond dans quelques mois. Pour ces personnes souffrant de maladies chroniques, se surajoute l’angoisse de mourir dans la solitude puisque les familles ne sont pas autorisées à rendre visite à leurs proches à leur domicile, dans les EMS, EPAD ou CHSLD (selon les pays) ou dans les services de réanimation.

Outre les soins de confort et la pharmacologie que nous connaissons bien, en soins palliatifs, il y a, à cause des mesures de restriction de présence humaine, toute une partie de cette philosophie des soins qui est abandonnée. Notamment la prise en charge de la détresse des proches (conjoint, enfant, fratrie, parents). Le directeur de la santé publique de notre région, m’a dit : « Je ne peux m’empêcher de penser que j’ai contribué à enfermer pour protéger ».

Comment pouvons-nous aider ces personnes qui ne peuvent pas assister leur patient pendant la phase terminale, soit dans les institutions pour personnes âgées, soit même dans un service de réanimation ? Ces proches vivent cet événement tragique à distance, ce qui augmente leur anxiété et leur détresse psychologique. D’autre part, comment les aider, dans la phase de deuil, si non seulement ils n’ont pas pu dire un dernier adieu à la personne aimée, mais qu’en plus on les prive des rituels comme les funérailles ou les réunions. Les contacts physiques sont très importants dans ces moments de partage et le réconfort fait partie des soins palliatifs.
C’est comme si on volait une deuxième fois la mort de leur proche. On sait que les rituels comme les funérailles sont un élément important dans le travail de deuil, ils concrétisent l’événement.

Nous devons donc nous poser la question : comment inventer de nouveaux soins palliatifs qui soient compatibles avec la situation provoquée par la pandémie ? Comment prendre soin des proches pendant et après la maladie ? Doit-on recommander par exemple de déplacer ces fameux rituels de quelques mois ? De faire des réunions en visioconférence entre les proches juste après le décès ? Dans le canton de Neuchâtel avec le service de la santé publique, nous avons organisé le 1er octobre, une cérémonie-souvenir pour les 254 personnes qui sont décédées et pas seulement de la Covid, pendant la période de confinement des mois de mars et avril. Elle est visible sur le site https://ceremonie-souvenir.ch.

Et je terminerai ces quelques réflexions en abordant la question sensible du niveau de soins. Selon mon expérience en soins palliatifs pédiatriques, ces questions doivent être discutées quand la mer est calme et non pas pendant la tempête; lors de l’arrivée dans un service d’urgence ou de réanimation. Cette discussion, qui touche l’éthique et la médecine, devrait faciliter la prise en charge pour les médecins comme pour les patients lorsque ces derniers aborderont la phase critique de leur maladie.

Je n’ai jamais aimé l’intitulé « niveau de soins » puisque nous faisons le maximum de soins pour le confort du patient en soins palliatifs. Je préfère « Niveau de traitement médical « . À tête reposée, cette réflexion (transfert en réanimation, réanimation cardio vasculaire ou intubation…) devrait idéalement avoir lieu avec le médecin traitant. Là se pose le problème de l’âge. Est-ce que la vieillesse ou le handicap sont des maladies potentiellement mortelles ? Ce document éviterait aux médecins de devoir prendre des décisions, moralement difficiles et éthiquement discutables, basées sur l’âge du patient ou le type de pathologie, dans des moments où les ressources techniques ou en personnel deviennent limitées.
Et je ne peux pas terminer ces quelques réflexions sur les effets collatéraux de cette pandémie sans penser aux populations vulnérables, par essence de l’Afrique, qui vont payer un double tribut à cette catastrophe. D’une part, à cause du manque de structures sanitaires, de moyens et de personnel de santé, de nombreuses comorbidités dont la pauvreté (même si la pauvreté n’est pas en soi une maladie) endémique et d’autre part par l’abandon d’une partie de l’aide humanitaire internationale. En effet, les moyens financiers étant utilisé en priorité pour la crise dans les pays occidentaux.

Pr. Nago Humbert
Président du Réseau francophone de soins palliatifs pédiatriques
Professeur agrégé, Faculté de médecine, Université de Montréal