Échos du 8e Congrès du RFSPP : « Fin de vie, faim d’une vie » – Octobre 2018

Les 4 et 5 octobre derniers, à Liège, se tenait le 8e congrès international du RFSPP. Venus de partout en Belgique, du Canada, de France, de Suisse, du Luxembourg, et même du Cameroun, les quelque 300 participants et la vingtaine d’orateurs se sont rassemblés pour faire le point sur la prise en charge des soins palliatifs pédiatriques.

De nombreuses thématiques ont été abordées : qualité de la fin de vie, euthanasie, deuil, accompagnement spirituel ou philosophique, transculturalité… Des sujets porteurs d’émotion, et cruciaux pour nous faire prendre conscience que les choses doivent inexorablement évoluer dans ce domaine.

  • « Je ne suis ni contre, ni pour l’euthanasie. Seule la souffrance est concrète et il arrive parfois que la vie nous oblige à transgresser. » (G. Ringlet, prêtre, écrivain et théologien)
  • « Vous avez, vous les soignants, une approche de l’être. Vous êtes là pour accompagner et servir les familles en essayant d’être en sympathie. Cela vous coûte à vous-même. » (Alda Greoli, ministre Wallonne de la Santé)
  • « Nous ne sortons pas indemnes de la rencontre avec l’autre. » (T. Samain, sociologue)
  • « En Afrique, on n’admet pas qu’il n’y ait pas de solution ; l’enfant n’a rien fait de mal pour mériter ça. » (A. Pondy, pédiatre au Cameroun)
  • « Dans les impasses médicales, la dimension culturelle est primordiale » (S. Bouznah, médecin et directeur du centre Babel à Paris)
  • « Les mères crient et pleurent ; elles sont anéanties. Les pères, eux, cachent leur douleur et la garde vive à jamais ! » (J. Gril, psychologue et mère endeuillée)
  • « Mais qui pensais-tu avoir mis au monde ? Un immortel ? (…) En cas de deuil, il faut mourir à ce que l’on n’est plus et renaître à ce qu’on est devenu. » (J-M Longneau, philosophe)

Mais qui pensais-tu avoir mis au monde ? Un immortel ?

Quelques phrases frappantes, interpellantes, bouleversantes, criantes de vérité… Quelques phrases, tirées de leur contexte, qui donnent une idée de l’intensité des moments vécus lors de ce congrès. Et en effet, on ne sort pas indemne de la rencontre avec l’autre.

Parler des faits pour souligner les faiblesses

Certaines interventions étaient parfois plus théoriques et contrastaient fortement avec la charge émotionnelle émise par les témoignages ou les récits de fin de vie (à lire sur le site d’Hospichild dans la partie ‘Culture et spiritualité au cœur des soins’) ; et bien heureusement pour le moral général de l’assemblée. Mais sous leurs airs rébarbatifs, ces présentations ont permis de mettre le doigt sur les principaux manquements dans le domaine des soins palliatifs pédiatriques.

A savoir :

  • L’inexistence de cours sur le sujet dans le cursus de médecine
  • Le recours tardif à ces soins et les conflits entre médecins et infirmiers sur le bon timing pour commencer les SPP
  • La peur panique des médecins de parler du sujet aux patients
  • La sous-estimation par les équipes soignantes de l’importance des équipes mobiles de SPP
  • La question des termes à utiliser devant les familles (garder « soins palliatifs » ou utiliser des termes plus soft comme « accompagnement » ?)
  • L’hypocrisie des soignants quant à la distinction entre euthanasie et sédation palliative (« C’est la même chose ! » expliquaient Gabriel Ringlet, prêtre en Belgique et Nago Humbert, pédiatre au Canada)
  • La réticence aiguë des familles
  • L’épuisement des soignants lors des situations palliatives pédiatriques
  • Etc.

Pistes de solutions

Pourtant, des solutions ont bel et bien l’air d’exister.

Par exemple, lors d’un atelier intitulé « Introduction des soins palliatifs dans le processus de soins », Eva De Clercq, docteur en philosophie en Suisse, donnait quelques pistes de solutions pour pallier les manquements :

  • Introduire les SPP plus tôt dans le processus de soins afin qu’ils deviennent plus familiers. (Une volonté partagée par de nombreux intervenants du congrès, dont Marie Friedel, chercheuse IRSS et maître-assistante en soins infirmiers, qui va plus loin en disant : « Les SPP doivent être intégrer dans les soins généraux ! »)
  • Utiliser les termes exacts de soins palliatifs ; « il faut appeler un chat un chat ». En revanche, l’information vers les patients doit être améliorée afin de dédiaboliser la pratique.

Il faut dédiaboliser la pratique.

Dans ce même atelier, Estelle Pétillard, infirmière pédiatrique en France, affirmait : « Pour que les SP ne rappellent pas tant la mort, il faudrait éviter de les introduire au moment où on explique aux patients qu’il n’y a plus rien à faire… ». Selon elle, des outils existent pour aider les soignants à introduire les soins palliatifs auprès des patients, mais seulement 1/3 d’entre eux en est informé.

Laure De Saint Blanquat, de l’hôpital Necker à Paris, s’est ensuite exprimée : « Il faudrait surtout éduquer la société à la thématique. En France, l’intégration des concepts de médecine palliative dès la 2e année de médecine est en cours de discussion.»

 

Qu’en retirer en tant que soignant ?

Selon Nago Humbert par exemple, il faut oser dire quand ça ne va pas, surtout en cas de décès. Car se montrer faible et vulnérable devant les autres patients n’est pas une chose à faire.

Pour J-M Longneau, les soignants doivent arrêter de se sentir tout-puissants ; ils doivent accepter leurs limites. « C’est là la clé de la longévité dans le métier. »

« Les soignants doivent arrêter de sentir tout-puissants ! »

Christine Fonteyne, pédiatre à l’Huderf, explique quant à elle que les équipes hospitalières ne sont pas encore tout à fait prêtes à se confronter à un cas d’euthanasie d’enfant. Il faudrait donc prévoir, dans les hôpitaux, des moments pour échanger, réfléchir… pour ensuite agir plus sereinement sur le terrain.

Finalement, en ce qui concerne l’épuisement des soignant lors des situations palliatives pédiatriques, sujet évoquer lors d’un atelier du même nom, Myriam Titos, psychologue dans un hôpital à Paris, donnait quelques conseils pour y faire face : passer le relais, oser dire à un autre soignant de lâcher prise, anticiper et écrire ce qu’il se passe, fédérer l’équipe autour d’une temporalité, laisser les parents décider…

Et pour terminer sur une note encore plus positive, Alda Greoli, lors de son intervention, n’a pas hésité à déclarer : « Pour celles et ceux à qui je peux donner des sous, je tiens à vous dire que je serai particulièrement attentive aux dossiers qui sont actuellement sur mon bureau. »

Propos et interventions résumées par S. Douieb – Hospichild.be