Evoluer des « soins palliatifs » vers la « démarche palliative » en médecine périnatale

La démarche palliative en médecine périnatale vise, en respectant la loi et l’éthique ainsi que les principes de la médecine palliative, à assurer le confort d’un nouveau-né atteint d’une affection à fort potentiel létal pendant toute la durée de sa vie. En salle de naissance, elle se propose de favoriser  la rencontre de l’enfant avec ses parents, la fratrie voire la famille élargie, pour poser les fondements d’une histoire commune et travailler à une naissance sociale dont le rôle est capital quand survient ensuite le temps du deuil. Pour assurer la non-séparation absolue de la mère (ou du couple) et de l’enfant, qui leur permet de tisser des liens forts dans un temps réduit, des aménagements des structures, des modifications des modes de pensée, voire de la conception même de la médecine, sont indispensables, de même qu’une collaboration sans faille des intervenants provenant d’horizons professionnels divers mais portés par un idéal commun. Si la vie se prolonge, la démarche palliative permet un accompagnement de qualité dans la durée. Depuis 2005 un certain nombre de réflexions, d’études, d’enquêtes et de publications spécifiques sont venues constituer un corpus de connaissances nouvelles qui mérite d’être diffusé et porté à la connaissance de tous. Les principes éthiques et les contraintes légales constituent le cadre de la réflexion. L’analyse du vécu des parents (souvent rapporté par les psychologues et les pédopsychiatres) et du vécu des équipes médico-soignantes a motivé l’évolution des pratiques dans les services et a permis de proposer des conduites plus adaptées aux attentes du public et des professionnels confrontés à ces situations.

Dans les services de réanimation néonatale deux problématiques éthiques majeures sont quotidiennement rencontrées. Il s’agit d’une part de la situation des extrêmes prématurés nés entre 22 et 24 semaines : est-il licite de parler de « limite de viabilité » ? A quels enfants proposer des soins techniques lourds, souvent douloureux et parfois incertains dans leurs résultats ? Tous les enfants nés vivants ont droit au moins à des soins de confort, première étape de la démarche palliative. Pour d’autres patients la question qui se pose est de savoir si l’on peut, ou s’il faut arrêter la réanimation lorsqu’on constate des lésions de pronostic défavorable. Comment prendre cette décision ? Avec quelle implication des parents? Qu’en est-il de l’arrêt de nutrition artificielle, autorisée par la loi ? Peut-elle s’appliquer au nouveau-né ? De même la sédation profonde et continue entre-t-elle dans l’arsenal des néonatalogistes et comment ? Les parents pourraient-ils participer à la réunion collégiale qui précède la décision médicale d’arrêt des thérapeutiques ? L’idée qui se dégage peu à peu est celle d’une codécision élaborée de concert entre parents, équipe et médecins pour aboutir à une conduite acceptable par tous. Ces démarches qui améliorent le quotidien des nouveau-nés, des familles et des équipes sont basées sur l’établissement d’un haut niveau de confiance entre les professionnels de divers horizons et entre ces professionnels et les parents. Elles supposent aussi le maintien d’une cohérence éthique et d’une cohérence d’objectifs et de langage entre tous les protagonistes que rencontrent les parents. Ceci s’acquiert par la construction d’une culture commune combinant les données issues de la médecine périnatale et de la pratique des soins palliatifs qui se bâtit au mieux dans des formations mêlant intentionnellement les professionnels d’horizons différents et s’entretien au fil des débriefings des situations rencontrées. Tout ceci devrait concourir idéalement à éviter les deuils pathologiques dans les familles et à la prévention du burnout dans les équipes.

 

Dr Pierre Bétrémieux