La souffrance des soignants

Le quatrième congrès francophone des Soins palliatifs Pédiatriques à Montréal en 2009 avait pour thème la souffrance des autres : parents, fratrie, grand parents, soignants…

C’est à ces derniers que je vous propose de donner toute notre attention dans les quelques lignes ci-dessous : les soignants au sens large ont grand besoin de soutien ; les dix dernières années ont vu un peu partout une diminution des effectifs alors que la charge de travail ne cesse d’augmenter y compris au niveau émotionnel… et administratif.

Selon le Docteur Chevassiu : « Un être humain est déstabilisé par l’expérience d’une grande souffrance et est rendu très vulnérable. Trouver autour de lui des gens compétents et un climat de non-agressivité, sera pour lui un véritable point d’appui dans son désarroi. C’est notre devoir de soignant de lui procurer un tel environnement. » 

Mais où et comment se ressourcer pour remplir cette exigence alors que les dernières études nous montrent chez les cancérologues une souffrance psychique double de la population générale et que le risque de burn-out est augmenté de même pour tous les professionnels de la santé amenés à s’occuper de patients souffrant de maladie grave ?

Comme l’ont bien étudié P. Guex et F. Stiefel à Lausanne, aux stresseurs extérieurs liés à la surcharge de travail, aux horaires décalés, à la lourdeur des charges administratives, s’ajoutent aussi et surtout les stresseurs intrapsychiques issus de l’exposition chronique à la souffrance et à la mort, et de l’hiatus entre leur idéal souvent élevé de soignant et une réalité moins héroïque.

La réponse me paraît à la fois individuelle et collective.

  • Par un travail individuel de développement personnel et une supervision, le soignant pourra d’une part accepter ses limites et d’autre part accueillir le patient dans une attitude empathique plutôt que lui proposer une réponse identificatoire massive, cet état « éponge », douloureux pour lui-même et source de confusion pour le patient.

« L’empathie, définie comme une capacité à être compréhensif, attentifs, sensible aux émotions et aux pensées de l’autre, répond aux besoins du patient et à l’idéal du soignant. Elle implique non seulement que l’on se sente proche du patient et que l’on soit ensuite capable de retrouver ses repères. » P. Guex.

  • Au niveau collectif, les soignants seront aidés par le soutien d’une vraie équipe (équipe élargie, c’est-à-dire médecin, infirmière, psychologue, éducateur, Assistant social….) où les liens interpersonnels sont forts avec en partage les mêmes valeurs professionnelles et humaines, une équipe qui se parle qui se fait confiance y compris lors de réunions régulières animées par un professionnel extérieur et lors de réunions de débriefing en cas de décès. La cohérence, la continuité, le respect mutuel, la convivialité au sein de cette équipe élargie permettront à chaque maillon, à chaque soignant de créer un filet de sécurité capable d’accueillir et de contenir les patients en souffrance, capable alors de s’auto-ressourcer.

Accompagner la souffrance des enfants gravement malades et de leur famille à l’hôpital passe par une équipe interdisciplinaire suffisamment nombreuse, compétente, intelligente, bienveillante, empathique, chaleureuse, soutenue, suffisamment ouverte pour accueillir sans sombrer le kaléidoscope de la souffrance physique et morale.  

 

Nadine Francotte